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Réemploi des matériaux : construire éco-responsable
02 mars 2021
Le BTP représente près de 75% de la consommation des ressources naturelles. Selon une étude ministérielle(1), il produit également 42 millions de tonnes de déchets par an soit trois fois plus que les ordures ménagères. Conscient des enjeux forts en matière d’environnement, de réduction d’empreinte carbone et de protection de ces ressources naturelles, ce secteur encourage et multiplie les processus préventifs en matière de production de déchets. C’est le cas du réemploi des matériaux de construction qui représente une solution à la fois économique et écologique.
Une solution à développer
Pour le moment, le pourcentage de matériaux « réemployés » représente à peine 1% mais l’idée fait son chemin. Un certain nombre d’initiatives comme des plateformes d’économie circulaire ont vu le jour pour faciliter cette nouvelle façon de construire ou de réhabiliter des bâtiments.
Il faut cependant rester mesuré, même si nous sommes sur la bonne voie, cette démarche de réemploi n’est pas forcément aisée à mettre en place. Si des contraintes organisationnelles, techniques ou parfois juridiques existent à la mise en place d’une démarche de réemploi, elles ne sont pas insurmontables. Faisons le point sur la question.
De quoi parle-t-on au juste ?
Réemploi, réutilisation, recyclage, valorisation sont des termes utilisés fréquemment et parfois indifféremment. Il est vrai qu’ils peuvent prêter à confusion. Or, derrière chacune de ces notions se cache une définition précise avec des implications spécifiques notamment en ce qui concerne leur statut dans la filière déchets. C’est l’article L.541-1-1 du code de l’environnement qui vient officiellement définir ces termes.
- Le réemploi est une opération qui permet d’utiliser à nouveau des substances, matières ou produits, qui ne sont pas des déchets, pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ;
- La réutilisation est une opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ;
- Le recyclage est une opération de valorisation des déchets. Ceux-ci sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins.
En fonction des opérations mises en œuvre et de leur nouvelle destination, ces matériaux sont considérés ou non comme des déchets.
L’objectif visé étant de créer le moins de déchets possibles, on note que le réemploi est un moyen préventif de première importance à mettre en œuvre pour réduire l’impact environnemental du secteur du BTP.
Mettre le réemploi au cœur des projets…
Mus par une volonté d’atteindre l’objectif de la valorisation de 70% des déchets de construction et de démolition, de nombreux acteurs économiques se sont saisis de cette problématique. Les matériaux et éléments de construction qui sont issus du démontage sélectif peuvent très bien devenir une ressource pour construire au même titre qu’un matériau neuf extrait d’un environnement naturel ou encore fabriqué par un professionnel. Architectes et maîtres d’ouvrages ainsi que professionnels de la filière du déchet collaborent à cette dynamique en intégrant pleinement le processus de réemploi dans leur projet.
On peut ainsi voir des projets d’aménagement d’espaces publics, ou encore de vêture en bois de réemploi sur certains bâtiments(2) prendre forme. Le réemploi est également mis en avant dans un certain nombre d’appels d’offres aussi bien privés que publics, pour des chantiers de réhabilitation, de démolition ou encore d’aménagements urbains, qui comportent des clauses spécifiques relatives au réemploi des matériaux de construction.
… avec quelques points de vigilance
Construire ou réhabiliter en intégrant des matériaux de réemploi ou recyclés est une démarche vertueuse mais qui nécessite également de prendre en considération des contraintes avec lesquelles il va falloir composer.
Ainsi, le processus de réemploi se caractérise par diverses étapes(3) :
- Une étude de faisabilité avec notamment l’élaboration d’un diagnostic ressource. Il s’agit d’avoir une connaissance précise des matériaux et éléments de construction qui composent une construction. C’est un outil informatif ;
- La collecte des matériaux, avec de nombreuses variables propres à la méthodologie de l’entreprise missionnée, à fortiori dans les cas de démolition sélective ;
- Une préparation au réemploi ;
- La mise en œuvre.
Pour certaines de ces étapes, il faut prendre en considération des contraintes de transport et/ou de stockage. On note également que des opérations d’expertise ou de contrôle sont nécessaires et seront décrites tout au long de ce processus.
Ce secteur est en constante évolution. Il nécessite d’appréhender un chantier d’une manière moins traditionnelle mais de développer une stratégie spécifique avec pour but ultime de construire de manière éco-responsable et durable. Contrainte ne veut pas dire impossibilité. Il existe tout un panel de solutions pour sortir des matériaux du statut de déchet (ou à tout le moins ne pas les faire entrer dans ce statut) et leur permettre d’être utilisés à nouveau. Il s’agit de définir les différents tâches de dépose, de séparation des matériaux, de collecte et de traçabilité des produits afin d’améliorer leur réemploi et définir leur « réemployabilité ».
Il faut également s’assurer de la disponibilité des produits. Compte tenu de l’état de développement de cette filière, la disponibilité continue des matériaux spécifiques peut parfois poser problème. Il est donc préférable d’anticiper cette situation en prévoyant des variantes réemploi/neufs pour s’assurer que le chantier puisse être mené à son terme dans les délais. Le recours aux plateformes d’économie circulaire peut également être une solution pour vous permettre de vous renseigner sur la disponibilité des produits et faire connaître vos besoins.
Recourir à l’expertise technique pour une réalisation dans de bonnes conditions
Utiliser des matériaux de réemploi en toute sécurité implique de savoir avec précision d’où ils viennent et à quel usage et quel domaine ils sont destinés. Pour ce faire, la documentation technique joue un rôle fondamental dans le processus de réemploi. Elle est indispensable à la mise à disposition des matériaux et éléments de construction qui vont servir en réemploi. Un maximum d’informations qualitatives et quantitatives doivent être recensées et portées à la connaissance des différents intervenants sur le chantier de construction afin d’éviter tout risque de sinistre.
Dans le cadre d’un chantier avec matériaux de construction de réemploi, il faut également s’assurer de la performance des matériaux utilisés. On peut aisément imaginer qu’un matériau ayant déjà eu une « première vie » ait été dégradé et que ses performances essentielles (acoustiques, thermiques, mécaniques ou encore de résistance au feu) aient été altérées, y compris par le processus de déconstruction. Des tests ou des évaluations des performances résiduelles devront être réalisés par un organisme compétent. Il peut, par exemple, s’agir d’essais techniques en laboratoire pour la qualification du matériau lui-même, afin d’estimer en mode de preuve les performances résiduelles du matériau pour justifier du domaine d’emploi prévu.
Le contrôleur technique : un acteur incontournable
Dans le cadre d’une opération de construction ou d’une réhabilitation, le concours d’un contrôleur technique est quasiment systématique. C’est entre autres lui qui va devoir se prononcer sur vos ouvrages intégrant des matériaux de réemploi. Il va se référer à la documentation technique correspondante, l’analyser et établir si les matériaux de réemploi peuvent être utilisés tels que vous l’avez prévu par rapport à la réglementation applicable. La mise à disposition du dossier technique, contenant les documents de preuve et les conditions de mise en œuvre, est donc primordiale pour le bureau de contrôle afin qu’il puisse donner un avis.
L’objectif final est bien évidemment d’obtenir un rapport de contrôle technique sans avis défavorables à l’issue du chantier. Sans oublier que l’avis du bureau de contrôle est analysé par les assureurs, qui seront particulièrement vigilants lorsqu’il s’agit d’assurer des chantiers réalisés avec des matériaux de réemploi.
Le saviez-vous ? Le Groupe Qualiconsult s’engage pour le réemploi
Le Groupe Qualiconsult impliqué dans la transition énergétique et environnementale, a rejoint le « Booster du Réemploi » et les différents acteurs de la filière qui y participent pour contribuer à la réduction de l’impact carbone.
Le « Booster du Réemploi » vise à massifier le réemploi dans les opérations de construction / réhabilitation. Son objectif est de rendre les demandes de matériaux de réemploi visibles et d’aider les acteurs à prescrire facilement du réemploi pour des travaux de réhabilitation, de construction, d’aménagement ou de changement d’équipement.
« Notre contribution au Booster du Réemploi est une réelle opportunité de penser différemment »
Alexandre EOZENOU, Président Directeur Général, et Carole LE BLOAS, Directrice Technique de Qualiconsult(4)
Il faut sortir le réemploi de la confidentialité en lui donnant de la visibilité et de la légitimité. Cela passe par une collaboration étroite entre tous les acteurs de la filière.
(1) : Fiche Data Lab – Entreprises du BTP, 2017, Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer
(2) : Exemple de projets de réemploi Bellastock
(3) : Rapport Repar #2 : le réemploi passerelle entre architecture et industrie, 2018, Ademe, Bellastock et CSTB
(4) : Extrait d’une interview sur le Booster du Réemploi