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Bâtiment : zoom sur le projet de loi "climat et résilience"
07 juin 2021
Le projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat a terminé son premier examen devant l’Assemblée Nationale le 4 mai dernier. Jugé trop léger et peu ambitieux par les uns et plutôt équilibré par les autres, ce texte n’a pas fini de faire parler de lui. Dans les domaines du bâtiment, de la construction et de l’urbanisme, on a beaucoup parlé du DPE mais il y a bien d’autres mesures non négligeables, particulièrement impactantes et qu’il faudra prendre en considération, si le texte devait être adopté en l’état. Voici quelques unes de ces mesures.
Logement : le DPE dans tous ses états mais pas seulement
Sans revenir sur les mesures phares concernant le DPE, déjà largement commentées, telles que l’inscription des classes de diagnostic de A à G dans la loi, le gel des loyers pour les logements classés F et G ou encore l’interdiction de mise en location des passoires énergétiques à compter de 2025, on note tout de même une nouveauté avec l’arrivée de l’évaluation de la qualité de l’air intérieur qui devrait faire son apparition dans le DPE des bâtiments (art. 39 quinquies).
Le projet de loi introduit également la définition d’une rénovation performante dans le code de la construction et de l’habitation (article 39 ter). Ainsi, une rénovation de bâtiment ou de partie de bâtiment serait dite performante lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement d’air dans le logement, permettent de respecter les trois conditions suivantes :
- Un gain minimal d’au moins deux classes du DPE ;
- Un niveau minimal de performance énergétique et de performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la classe C du DPE ;
- L’étude des six postes de travaux de la rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées.
L’article en question introduit également une exception fondée sur des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou de coûts manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien. Dans ce cas de figure, il serait alors nécessaire de remplir le premier critère énoncé ci-dessus et que les six postes de travaux cités aient été traités. Un décret viendra préciser ces critères relatifs aux contraintes et aux coûts justificatifs de l’exception. Enfin, le même article définit également les notions de rénovation globale et de rénovation complète.
Des études et des analyses à prévoir
Concernant les copropriétés, le projet de texte introduit l’obligation pour les copropriétaires de réaliser un plan pluriannuel de travaux sur la base d’une analyse technique du DPE dans le but de mieux anticiper et voter les travaux de rénovation sur les parties communes (art.44).
L’article 54 prévoit également la réalisation des études suivantes :
- Une étude relative au changement de destination et à l’évolution future d’un bâtiment à construire: celle-ci serait obligatoire préalablement à la construction de certaines catégories de bâtiment ou préalablement à une opération de surélévation. La personne chargée de mener à bien cette étude remettrait au maître d’ouvrage un document attestant de sa réalisation.
- Une étude relative au potentiel changement de destination et d’évolution d’un bâtiment à démolir qui serait à joindre au diagnostic prévu par l’article L.126-34 du code de la construction et de l’habitation.
Ces études seraient à réaliser à compter du 1er janvier 2023 sous peine de sanctions administratives. Un décret en Conseil d’Etat viendrait fixer les conditions d’application de cette mesure et notamment les catégories de bâtiments concernés, le contenu de l’étude et de l’attestation ainsi que la compétence des personnes chargées de la réalisation de l’étude.
Création du carnet d’information du logement
L’article 43 bis du projet de loi introduit une nouvelle section dans le code de la construction et de l’habitation relative au carnet d’information du logement dont l’objectif est d’améliorer la performance énergétique des bâtiments existants comme neufs. Il concernerait chaque logement lors de la construction ou d’une rénovation avec incidence significative sur la performance énergétique de ce dernier. Il serait établi et mis à jour par le propriétaire. Il devrait ainsi faciliter et accompagner les travaux d’amélioration de la performance énergétique du logement ainsi que l’installation d’équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie. L’article détaille ensuite son contenu et renvoie à des textes d’application le soin de préciser les modalités et les critères d’application.
Droit de surplomb
L’article 44 bis introduit un droit de surplomb pour l’isolation thermique par l’extérieur pour faciliter la rénovation énergétique. Cet article détaille les modalités de mise en œuvre de ce droit de surplomb et prévoit notamment que l’ouvrage d’isolation ne peut être établi qu’à deux mètres au moins au-dessus du pied du mur ou du sol et sur une épaisseur de 50 centimètres au plus. Il prévoit une obligation de démontage de l’ouvrage en cas de construction nouvelle afin de préserver les droits du propriétaire du fonds voisin. Une indemnité préalable serait également due au propriétaire du fonds surplombé.
Élargissement du champ des bâtiments soumis aux obligations « tertiaires »
L’article 45 quater apporte des modifications à l’article L. 174-1 du code de la construction et de l’habitation qui porte sur les obligations de réduction de la consommation énergétique applicables aux bâtiments tertiaires. Il élargit aux bâtiments construits depuis la loi ELAN ces obligations et apporte des précisions pour éviter que des actions d’économie d’énergie, engagées par les assujettis pour satisfaire les exigences prévues à l’article L. 174-1, conduisent à une réduction du recours aux énergies renouvelables. Enfin, l’article précise également que la remontée des informations afférentes à ces obligations devrait être annuelle.
La protection des écosystèmes en ligne de mire
Le projet de loi prévoit également un certain nombre de dispositions portant sur l’artificialisation des sols avec pour objectif de lutter contre l’étalement urbain et in fine de protéger nos écosystèmes et d’adapter les territoires aux changements climatiques.
Ainsi, les articles 48 et 49 fixent pour objectif aux collectivités territoriales, de réduire de moitié le rythme d’artificialisation d’ici 2030 pour atteindre le « zéro artificialisation nette » d’ici 2050. Cet objectif devrait passer par une identification des zones de renaturation et désimperméabilisation dans les documents d’urbanisme. L’article 52 prévoit également de fixer un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entrainerait une artificialisation des sols. Des dérogations seraient toutefois prévues notamment pour les nouvelles zones de moins de 10 000 m². Concernant les entrepôts, leur secteur d’implantation serait défini en tenant compte des besoins logistiques du territoire. Le préfet pourrait en conséquence, refuser tout projet manifestement incompatible avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.
Un maître mot : verdir, verdir, verdir…
Outre toutes les mesures concernant le verdissement des flottes automobiles, des aménagements prévus pour les transports aériens et ferroviaires et le développement des transports doux, le projet de loi prévoit deux mesures plus impactantes dans le domaine du bâtiment.
Panneaux photovoltaïques
L’article 24 prévoit d’étendre l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques ou des toits végétalisés sur les bâtiments professionnels et les entrepôts en abaissant de 1000 à 500 m² d’emprise au sol, le seuil à partir duquel elle s’impose aux nouvelles constructions. Cette mesure serait également appliquée aux extensions de bâtiments et structures existants dès lors qu’elles dépassent ce seuil.
IRVE à déployer
Le parc automobile est également concerné par cette vague de verdissement, ce qui engendre nécessairement une accélération du déploiement des bornes de recharges des véhicules électriques. Ainsi, dans les copropriétés, la décision d’installer des IRVE serait facilitée en instaurant un vote à la majorité simple des copropriétaires, à partir du moment où un dispositif de financement permettrait de ne pas faire peser la charge financière sur la copropriété mais uniquement sur les futurs utilisateurs (art.26 bis). Enfin, les parcs de stationnement gérés en délégation de service public, en régie publique ou via un marché public de plus de 20 emplacements, devraient être pourvus en points de recharge pour véhicules électriques.
Consécration du délit de mise en danger de l’environnement
Le code de l’environnement se verrait enrichi d’un nouvel article créant le délit de mise en danger de l’environnement en cas de non-respect d’une réglementation ayant pu entrainer une pollution grave et durable. Ainsi, le fait d’exposer délibérément l’environnement à un risque immédiat de dégradation durable de la faune, de la flore, de la qualité des sols ou de l’eau en violant une obligation de sécurité ou de prudence serait passible d’une peine d’emprisonnement de 3 ans et d’une amende de 300 000€.
Voilà quelques unes des dispositions issues de ce projet de loi qui en comptait 69 initialement et plus de 200 pour l’heure. La prochaine étape se déroule au Palais du Luxembourg. Ce sera au tour des sénateurs de débattre de ce texte à compter du 15 juin prochain. Ce projet de loi pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, devrait être adopté définitivement en septembre 2021. Affaire à suivre…
Sources :