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En quête du "Zéro Artificialisation Nette" : Loi ZAN
16 janvier 2024
Depuis plusieurs décennies, l’artificialisation des sols, cette transformation des espaces naturels en zones urbanisées ou infrastructures, suscite des inquiétudes croissantes quant à ses impacts sur l’environnement et la biodiversité.
En France, le phénomène d’artificialisation des sols a pris des proportions alarmantes ces dernières années, engendrant la disparition de terres agricoles et de zones naturelles au profit de l’expansion urbaine et des infrastructures. Le Guide synthétique « Zéro Artificialisation Nette »[1], indique que chaque année, ce sont 24 000 ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers qui sont urbanisés en moyenne lors de la dernière décennie, soit près de 5 terrains de football par heure.
On apprend ainsi également que 63 % de ces surfaces consommées sont à destination de l’habitat, 23 % pour des activités économiques, 7 % pour des infrastructures routières, 1 % pour des infrastructures ferroviaires et le reste à destination mixte.
Pour répondre à cette problématique majeure, une nouvelle réglementation émerge : le concept « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN). Cette initiative vise à atteindre un équilibre entre les surfaces artificialisées et celles rendues à la nature, s’inscrivant ainsi dans une perspective de préservation et de restauration des écosystèmes. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Et quelle en est la mise en œuvre
Pourquoi réduire l’artificialisation des sols ?
L’artificialisation des sols est la première cause de l’érosion de la biodiversité. Elle a des conséquences écologiques comme l’aggravation du risque d’inondation par ruissellement, la limitation du stockage carbone, mais aussi socioéconomiques telles que les coûts des équipements publics dus notamment à l’étalement des surfaces habitables, l’augmentation des temps de déplacement et de la facture énergétique des ménages, la dévitalisation des territoires en déprise, la diminution du potentiel de production agricole etc.
Cette réforme résulte d’une recommandation de la convention citoyenne pour le climat et d’un débat parlementaire, avec le vote de la loi Climat et résilience le 22 août 2021, puis, à la quasi-unanimité, de la loi du 20 juillet 2023. La France s’est fixée, dans le cadre de la loi Climat et résilience, l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, d’ici à 2031.
Quels sont les objectifs du ZAN ?
Le ZAN repose sur trois piliers fondamentaux :
- Arrêter la progression de l’artificialisation : Il s’agit de maîtriser l’étalement urbain en freinant la transformation des sols naturels en zones urbaines ou en infrastructures. Sur la période 2021-2031, la loi fixe l’objectif de réduire de moitié le rythme de consommation d’ENAF (espace naturel, agricole ou forestier) par rapport à la décennie précédente (2011-2021). Cette étape nécessite une planification territoriale rigoureuse, une densification urbaine et la réhabilitation de friches industrielles pour limiter l’empiètement sur les espaces naturels.
- Compenser toute nouvelle artificialisation : Tout projet d’urbanisation ou d’infrastructure devant empiéter sur des espaces naturels devra désormais être compensé par la restauration ou la création de surfaces équivalentes de nature, soit en réhabilitant des zones dégradées, en favorisant la renaturation de sites ou en créant de nouveaux espaces verts. Le recyclage des friches répond naturellement à cet objectif : les friches[2] représentent 170 000 hectares, à l’échelle nationale à reconquérir et valoriser.
- Restaurer les sols déjà artificialisés : le ZAN implique également la réhabilitation des sols déjà impactés par l’urbanisation, en favorisant la reconversion de zones bétonnées ou imperméabilisées en espaces verts, agricoles ou naturels. Le règlement des PLU doit intégrer des coefficients de pleine terre ou de biotope en zone dense (obligation de maintien ou de création de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables sur l’unité foncière)[3], par exemple.
Une réglementation en place pour une mise en œuvre effective
La mise en œuvre du ZAN suscite des débats et des défis. La conciliation entre développement urbain, besoins économiques et préservation de l’environnement représente un enjeu majeur. Les collectivités locales, les urbanistes et les acteurs économiques doivent s’engager dans une démarche concertée pour repenser l’aménagement du territoire de manière durable et résiliente. La loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux[4] poursuit cet objectif.
La réussite de cette transition nécessite des outils de suivi et d’évaluation précis pour mesurer l’évolution des surfaces artificialisées et des actions de compensation, tout en garantissant l’efficacité des mesures prises. C’est l’objet des derniers textes d’application publiés fin novembre 2023 qui viennent parfaire le corpus juridique en la matière.
Evaluation et suivi de l’artificialisation
Le décret relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols[5] publié récemment complète les dispositions de l’article R. 101-1 du code de l’urbanisme en établissant de nouvelles catégories dans une nomenclature pour qualifier les surfaces comme artificialisées ou non. L’objectif est de répondre de manière plus adéquate aux enjeux de préservation et de restauration de la nature en ville, de renouvellement urbain et de développement des énergies renouvelables. Ce texte définit désormais clairement les critères déterminant les surfaces pouvant être considérées comme artificialisées ou non.
De plus, ce décret prévoit la création d’un observatoire de l’artificialisation, désigné comme la plateforme nationale pour l’accès dématérialisé aux données concernant la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que sur l’artificialisation des sols sur l’ensemble du territoire. Ces données, mises à disposition par l’État, visent notamment à faciliter la fixation et le suivi des objectifs définis dans les documents de planification et d’urbanisme.
Enfin, le décret clarifie le contenu du rapport local de suivi de l’artificialisation des sols, offrant ainsi une meilleure compréhension des éléments à inclure dans ce rapport pour une évaluation précise de l’impact sur les sols.
Territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols
Un second décret[6] vient affiner et compléter les règles de mise en œuvre visant à territorialiser les objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols. Cette initiative vise à mieux équilibrer l’intervention régionale et communale via les documents d’urbanisme pour garantir la sobriété foncière.
Dans ce cadre, le décret établit les critères essentiels pour déterminer et adapter localement les objectifs de gestion de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols. Parmi ces critères figurent l’évaluation des réductions déjà entreprises en fonction du nombre d’emplois et de ménages par hectare artificialisé, l’équilibre territorial prenant en compte les pôles urbains, les infrastructures et la revitalisation des territoires, ainsi que l’adaptation aux risques naturels et la préservation des activités agricoles.
Le texte prévoit également des règles différenciées pour décliner ces objectifs en fonction des zones géographiques, en tenant compte des schémas de cohérence territoriale et des spécificités régionales comme les territoires littoraux.
De plus, ce décret réserve une part d’artificialisation des sols au niveau régional pour des projets de construction ou d’extension liés aux exploitations agricoles, alignés sur les orientations du schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Enfin, lors de la déclinaison des objectifs par secteur géographique, le texte exige la prise en compte des surfaces minimales de conservation des espaces naturels, agricoles ou forestiers au niveau communal. Il souligne également l’importance d’intégrer les spécificités propres aux communes littorales et aux zones de montagne.
Ces ajustements, définis dans le nouvel article R. 141-6-1 du code de l’urbanisme, marquent une avancée significative vers une meilleure préservation des sols et une gestion raisonnée de l’espace.
Cet ensemble de textes juridiques est complété par un dernier décret[7] qui vient définir la composition et les modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols.
En conclusion, le ZAN incarne un tournant majeur dans la politique environnementale en France et à l’échelle internationale, marquant une volonté de préserver nos écosystèmes fragiles tout en assurant un développement harmonieux et respectueux de la nature. Sa mise en œuvre nécessite une mobilisation collective et des actions concrètes pour concilier préservation de l’environnement, besoins socio-économiques et impératifs d’urbanisation.
[1] Guide synthétique « Zéro Artificialisation Nette », novembre 2023, Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires
[2] Au sens du code de l’urbanisme, « on entend par “ friche ”tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables » — Extrait du Guide synthétique « Zéro artificialisation nette – novembre 2023 – Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires
[3] Extrait du Guide synthétique « Zéro artificialisation nette – novembre 2023 – Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires
[4] Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux – JORF du 21 juillet 2023
[5] Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols – JORF du 28 novembre 2023
[6] Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols – JO du 28 novembre 2023
[7] Décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols – JORF du 27 novembre 2023