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Directive amiante : un renforcement des normes de sécurité pour les travailleurs
11 mars 2024
Substance cancérogène extrêmement dangereuse, toujours présente dans nombre de nos bâtiments, l’amiante est à l’origine de nombreux décès évitables dans l’Union Européenne (UE). Rien qu’en 2019, plus de 70 000 personnes sont décédées dans l’UE parce qu’elles avaient été exposées à l’amiante sur leur lieu de travail dans le passé. On estime qu’entre 4,1 et 7,3 millions de travailleurs sont actuellement exposés à l’amiante, dont 97 % travaillent dans la construction et 2 % dans la gestion des déchets.
L’UE, dans une approche globale du sujet entend mieux protéger les personnes et l’environnement contre l’amiante, et garantir ainsi un avenir sans amiante. C’est là tout l’objet de la directive adoptée le 22 novembre 2023[1], qui apporte des ajustements significatifs à la directive européenne précédente de 2009 concernant l’exposition des travailleurs à l’amiante. Ces modifications visent à harmoniser les normes minimales de sécurité dans tous les pays de l’Union européenne, en particulier dans le contexte de la reconstruction post-conflit en Ukraine, où les travailleurs sont exposés à des risques élevés, notamment lors du traitement des décombres. Mais que prévoit au juste ce texte ? Quels seront les changements éventuels pour la réglementation française en matière d’amiante ?
La protection des travailleurs contre l’exposition à l’amiante : un sujet toujours d’actualité
Malgré l’interdiction de l’usage de l’amiante dans la construction des bâtiments depuis 2005, on recense plus de 220 millions de bâtiments en Europe construits avant cette interdiction[2]. Il est donc fort probable que beaucoup d’entre eux contiennent encore de l’amiante et représentent une menace pour la santé. La stratégie pour une vague de rénovations thermiques, qui vise au minimum à doubler le taux annuel de rénovation des bâtiments d’ici à 2030, souligne encore davantage l’importance d’une approche globale dans la lutte contre l’amiante. Les travailleurs encourent donc toujours un risque sérieux d’exposition à cette substance.
Les mesures principales de la directive de 2023
La directive européenne prévoit notamment les mesures de prévention et de protection suivantes :
- Désamianter devient une priorité : la directive souligne l’importance de donner la priorité au désamiantage par rapport à d’autres actions, dans le but de réduire l’exposition des travailleurs à la poussière d’amiante. Elle précise que l’évaluation du risque doit non seulement servir à « déterminer la nature et le degré de l’exposition des travailleurs à la poussière provenant de l’amiante ou de matériaux contenant de l’amiante » mais également à « donner la priorité à l’élimination de l’amiante ou de matériaux contenant de l’amiante par rapport à d’autres formes de manipulation de l’amiante ». On note que cette priorisation du désamiantage n’est pas intégrée actuellement dans la réglementation française.
- Réduire au maximum l’exposition aux fibres en suspension : la directive insiste sur la réduction maximale de l’exposition des travailleurs à la poussière d’amiante, en précisant trois mesures spécifiques pour abaisser les niveaux d’empoussièrement : la suppression de la poussière d’amiante, l’aspiration de la poussière d’amiante à la source, la sédimentation continue des fibres d’amiante en suspension dans l’air. L’article R. 4412-109 du code du travail prévoit déjà les deux dernières mesures.
- Uniformiser les méthodes de mesure et abaissement des seuils d’exposition : la directive prescrit l’utilisation de méthodes de mesure plus précises, telles que la microscopie électronique, et abaisse la valeur limite d’exposition professionnelle à 0,01 fibre par cm3 sur 8 heures. Ces dispositions figurent déjà dans la réglementation française respectivement aux articles R.4412-106 et R.4412-10 du code du travail.
- Procéder au repérage préalable des matériaux contenant de l’amiante : les employeurs sont désormais tenus d’identifier les matériaux contenant de l’amiante (MPCA) avant toute intervention. Cette opération de repérage doit être réalisée par un « opérateur qualifié ». Cette disposition s’aligne avec la réglementation française, qui oblige, d’une part, les repérages amiante avant travaux[3] ou avant démolition[4] et, d’autre part, la certification des opérateurs de repérage amiante[5] .
- Renforcer la protection grâce aux équipements de protection individuelle et aux moyens de protection collective : des exigences plus strictes sont imposées pour les équipements de protection individuelle, notamment en ce qui concerne l’ajustement individuel des équipements respiratoires. Cette mesure se rapproche des « Fit-Tests » demandés pour les masques des opérateurs de chantiers en sous-section 3 ou 4 dans la réglementation française. Cette dernière prévoit que chaque appareil de protection respiratoire doit être adapté à la morphologie des travailleurs, notamment en réalisant un essai d’ajustement[6]. De plus, la directive précise les normes pour les moyens de protection collective, comme par exemple, pour les zones confinées qui doivent être étanches et ventilées mécaniquement »[7].
- Imposer la certification des entreprises de désamiantage : les entreprises doivent désormais obtenir un permis avant d’entreprendre des travaux de désamiantage (à l’instar des certifications sous-section 3 requises en France), et elles doivent fournir des attestations de formation des travailleurs ainsi qu’une liste des entreprises certifiées au public.
- Notifier préalablement les chantiers exposant à l’amiante : avant le démarrage de tout chantier exposant à l’amiante, les employeurs doivent notifier les autorités compétentes de diverses informations relatives au chantier. En France, l’ensemble de ces notifications figurent d’ores et déjà dans le « plan de démolition de retrait ou d’encapsulage » prévu à l’article R.4412-133 du code du travail.
Entrée en vigueur et impacts en France
Ces nouvelles mesures doivent être intégrées dans la législation nationale des États membres d’ici le 21 décembre 2025, avec la possibilité de dérogations pour certains aspects jusqu’au 21 décembre 2029. Cependant, la France ne sera finalement que peu impactée par ces changements dans la mesure où un dispositif réglementaire particulièrement protecteur des travailleurs exposés à l’amiante, notamment avec le décret n° 2012-639 du 4 mai 2012 modifié et ses arrêtés d’application est déjà en place.
Nos spécialistes à votre écoute
Les spécialistes amiante de Qualiconsult Immobilier se tiennent à votre disposition pour répondre à vos éventuelles questions et vous accompagner dans l’ensemble de vos projets de rénovation ou démolition que cela soit pour des opérations de repérage préalable des matériaux contenant de l’amiante ou autres diagnostics.
[1] Directive (UE) 2023/2668 du Parlement Européen et du Conseil du 22 novembre 2023 modifiant la directive 2009/148/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l’amiante pendant le travail – JOUE L du 30 novembre 2023
[2] Communiqué de presse Commission européenne – La Commission agit pour mieux protéger les personnes contre l’amiante et garantir un avenir sans amiante
[3] Article R.4412-97 du code du travail
[4] Article R.1334-19 du code de la santé publique
[5] Article R.4412-97-1 du code du travail
[6] Arrêté du 7 mars 2013 relatif au choix, à l’entretien et à la vérification des équipements de protection individuelle utilisés lors d’opérations comportant un risque d’exposition à l’amiante, JORF du 14 mars 2013
[7] Cette disposition est prévue dans l’arrêté du 8 avril 2013 relatif aux règles techniques, aux mesures de prévention et aux moyens de protection collective à mettre en œuvre par les entreprises lors d’opérations comportant un risque d’exposition à l’amiante, JORF du 17 avril 2013