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Loi industrie verte : retour sur quelques dispositions énergie, environnement et marchés publics
03 janvier 2024
Dans une ère où la préservation de l’environnement s’impose comme une priorité mondiale, la France s’engage fermement dans cette voie avec l’adoption de la loi relative à l’industrie verte[1], promulguée le 23 octobre 2023. Cette législation ambitieuse vise à transformer en profondeur les pratiques industrielles pour les aligner sur des standards écologiques plus rigoureux. Parmi les multiples facettes de cette loi, quatre domaines majeurs retiennent particulièrement l’attention : la promotion des ombrières photovoltaïques, les obligations en matière de bilan GES, la réforme de l’autorisation environnementale et les changements en matière de marchés publics. Zoom sur ces aspects cruciaux qui redéfinissent le paysage de la construction et de l’industrie vers une économie circulaire et durable.
Ombrières photovoltaïques : les délais de mise en application allongés
La loi prévoit des délais supplémentaires aux gestionnaires de parkings optant pour des panneaux solaires à haut rendement fabriqués en Europe, dans le cadre des obligations liées à l’installation d’ombrières photovoltaïques.
Pour rappel, la loi du 10 mars 2023 a rendu obligatoire l’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parkings extérieurs dépassant 1 500 m2. Conformément à cette loi, au moins la moitié de la surface de ces parkings doit être équipée de panneaux solaires (Loi n° 2023-175, 10 mars 2023, art. 40).
Initialement visant les parkings existants au 1er juillet 2023 et ceux pour lesquels une demande d’autorisation d’urbanisme a été déposée à partir du 10 mars 2023, la loi prévoit une entrée en vigueur progressive, fixant des échéances au 1er juillet 2026 ou 1er juillet 2028, selon la gestion et la taille des parcs concernés.
Cependant, la tentation de recourir à des produits bon marché mais technologiquement moins performants, importés principalement d’Asie, menace de compromettre ces objectifs environnementaux notamment en matière de bilan carbone. Dans le contexte de la politique de réindustrialisation et de relocalisation d’entreprises respectueuses de l’environnement, les autorités encouragent l’usage de panneaux photovoltaïques européens, réputés pour leur rendement supérieur. Toutefois, les nouvelles installations européennes ne seront pleinement opérationnelles qu’à partir de 2027 ou 2028, posant un défi aux gestionnaires de parkings soumis aux échéances fixées par la loi Énergies renouvelables de mars dernier.
Afin d’inciter les gestionnaires à privilégier des équipements à empreinte carbone réduite, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte accorde un délai supplémentaire à ceux optant pour des panneaux de seconde génération. Ce report s’ajoute aux délais déjà prévus par la loi du 10 mars 2023, pouvant être octroyés par le préfet en cas de retard non imputable au gestionnaire ou lors de la réalisation d’une opération d’aménagement prévoyant la suppression ou la transformation du parc de stationnement (Loi n° 2023-175, 10 mars 2023, art. 40, III, al. 4 et s.).
Le gestionnaire peut bénéficier de ce report en s’engageant à installer des panneaux répondant à des critères de performance technique et environnementale, à être précisés par décret. Le préfet peut accorder ce délai supplémentaire sous condition d’un contrat d’engagement avec acompte d’ici le 31 décembre 2024 et d’un bon de commande conclu avant le 31 décembre 2025.
La loi ajuste également le calendrier pour les très grands parkings, décalant l’échéance de conformité à la loi Énergies renouvelables de dix-huit mois. Ainsi, les gestionnaires des parkings de 10 000 m2 ou plus auront jusqu’au 1er janvier 2028, au lieu du 1er juillet 2026, pour se conformer. Cependant, cette date reste inchangée pour les parkings de 1 500 à 10 000 m2, fixée au 1er juillet 2028.
Le report sera annulé en cas de résiliation ou de non-respect du contrat d’engagement ou du bon de commande. Si la rupture est attribuable au producteur des panneaux, le gestionnaire devra se conformer dans un délai de dix-huit mois à compter de la résiliation ou au plus tard le 1er janvier 2028. En cas de rupture imputable au gestionnaire, celui-ci devra se conformer à la date d’entrée en vigueur normale du dispositif. Quoi qu’il en soit, le gestionnaire devra afficher l’origine des panneaux installés pendant un an à compter du début des travaux, selon des modalités réglementaires spécifiées. Cette mesure vise à mettre en lumière les acteurs favorisant un approvisionnement conforme aux objectifs de réindustrialisation de la filière photovoltaïque au niveau national et européen.
Bilan GES : des sanctions alourdies
Dans un renforcement significatif des mesures environnementales, la loi Industrie verte intensifie les sanctions en cas de non-respect de l’obligation d’établir ou de transmettre un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES).
L’article 29 de cette loi apporte des modifications substantielles à l’article L. 229-25 du code de l’environnement, spécifique au bilan des émissions de gaz à effet de serre. Désormais, cet article stipule que « dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, l’autorité administrative peut infliger des sanctions en cas de manquements à l’établissement ou à la transmission du BEGES, sous forme d’une amende pouvant atteindre 50 000 €, montant qui peut être porté à 100 000 € en cas de récidive« .
Cette révision, qui quintuple les montants précédents, vise à rendre les sanctions plus dissuasives. À noter également que l’obligation de sanctionner incombe désormais au préfet de région, transformant ainsi cette responsabilité qui était, autrefois, une simple faculté.
Procédure d’autorisation environnementale : des délais réduits et des sanctions plus importantes
La loi apporte une série de modifications majeures à la procédure d’autorisation environnementale. Axée sur la rationalisation et l’accélération, elle vise à simplifier le processus tout en introduisant des mécanismes de sanction contre les recours abusifs.
L’article 4 de la loi instaure une parallélisation des phases d’examen et de consultation du public pour écourter les délais. Dorénavant, la procédure ne comporte que deux phases : une phase d’examen et de consultation, suivie d’une phase de décision. Cette modification vise à rendre plus efficace le processus d’autorisation environnementale.
La durée maximale de trois mois pour la phase d’examen des projets d’installations de production d’énergies renouvelables en zones d’accélération est supprimée, accélérant ainsi les démarches pour ces projets.
Les délais de délivrance des autorisations environnementales sont diminués également. En effet, pour accélérer l’implantation de nouvelles usines, la procédure d’autorisation environnementale est simplifiée. L’instruction par les services de l’Etat et par l’autorité environnementale ainsi que la consultation du public seront menées en parallèle et non plus successivement. Ainsi, ce dispositif permet de raccourcir la durée de la procédure de délivrance des autorisations environnementales de 17 mois aujourd’hui, à 9 mois.
Depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi « Élan », les recours abusifs contre les décisions d’attribution de permis de construire, de démolir ou d’aménager peuvent être sanctionnés.
La loi étend donc cette disposition aux contentieux de l’autorisation environnementale, permettant ainsi au bénéficiaire d’une autorisation environnementale de solliciter le versement de dommages et intérêts par l’auteur d’un recours abusif contre l’une des décisions qui y sont liées. Cette mesure vise à éviter les retards injustifiés dans le processus d’autorisation environnementale.
Ces changements, applicables aux demandes d’autorisation déposées à partir d’une date fixée par décret, réaffirment l’engagement en faveur d’une approche plus rapide et plus efficace de l’autorisation environnementale, tout en décourageant les recours abusifs qui pourraient entraver le processus.
Ces deux nouvelles dispositions s’appliquent aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard, le 23 octobre 2024.
De nouvelles règles pour les marchés publics
La loi apporte des modifications significatives aux procédures d’adjudication des marchés publics, donnant aux acheteurs de nouveaux leviers d’exclusion des opérateurs économiques. Deux dispositifs sont instaurés, laissant une latitude décisionnelle à l’acheteur pour exclure les opérateurs qui ne respectent pas certaines obligations :
- Manquement aux obligations de publication de données durables, conformément à la directive européenne CSRD : Ce dispositif, bien qu’en attente d’une mise en vigueur effective, donne le pouvoir au Gouvernement d’intégrer cette mesure dans le code de la commande publique d’ici le 23 janvier 2024.
- Défaut d’établissement et de publication d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) : ces règles entrent en application pour les marchés publics pour lesquels une consultation est lancée ou un avis d’appel à la concurrence est diffusé à partir du 25 octobre 2023.
En parallèle, plusieurs changements majeurs concernent spécifiquement les entités adjudicatrices à partir du même jour :
- Possibilité de ne pas diviser le marché en lots en cas de risque d’inefficacité.
- Réintroduction des offres variables pour les marchés dépassant un seuil défini par règlement.
- Dérogation à la durée maximale des accords-cadres en cas de risque de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse.
De plus, une nouvelle disposition permet le rejet d’offres provenant de pays tiers qui ne respectent pas les règles de réciprocité commerciale avec l’Union européenne, mais seulement pour certains types de marchés.
Ces changements introduisent une série de nouvelles règles et de nuances qui seront encore détaillées dans les réglementations à venir.
La loi industrie verte traite également d’autres sujets en matière de gestion des déchets car elle renforce, par exemple, les fondements juridiques pour encourager l’utilisation de matières premières recyclées, réduisant ainsi l’empreinte environnementale de l’industrie et améliorer la gestion transfrontalière des déchets en créant une amende administrative pour les transferts illicites de déchets. Une question en rapport avec la mise en œuvre de cette loi et vos nouvelles obligations ? Nos équipes se tiennent à votre disposition vous répondre et vous accompagner dans vos projets. Contactez-nous !
[1] Loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, JORF du 24 octobre 2023